Les membres du GEM ont la parole : Mélodie propose le compte-rendu d'un Webinaire très intéressant.
Article sur le Webinaire iMIND #10: La dépression chez les personnes autistes. Comment la prévenir et accompagner ?
Intervenants :
Véronique Barathon : “pair-aidante au TS2A, nous parlera de ses épisodes dépressifs, comment elle les a surmontés et les garde-fous qu’elle a mis en place dans son quotidien.”
Sandrine Sonié : “psychiatre et coordinatrice du Centre de Ressources Autisme Rhône-Alpes, nous expliquera ce qu’est la dépression, comment la prévenir et que mettre en place au quotidien.”
Ci dessous, dessin et citation de Véronique Barathon ( je l’avais déjà partagé sur le travail pour la journée contre le harcèlement).

“Je ne me sens pas handicapée, je me sens non intégrée par la société
Je ne me sens pas bizarre, je me sens différente du fonctionnement majoritaire
Je ne me sens pas trop sensible, je me sens plus réceptive que les autres
Je ne me sens pas restreinte dans mes intérêts, je me sens beaucoup plus passionnée que mon entourage
Je ne me sens pas repliée sur moi, je me sens dans le besoin de me protéger de votre chaos.
Je ne me sens pas anxieuse, je redoute simplement vos réactions.
Je ne vis pas dans une bulle
Je vis dans un monde où je me respecte, où je suis rassurée de vivre mon quotidien, dans un monde où la vie va moins vite, où je connais chaque recoin, où mes couleurs font place à votre pâleur.
Vous sentez-vous d’adapter votre monde pour que je puisse ouvrir le mien ?
Véronique”
Dans ce webinaire on parle de la prévalence de la dépression chez les personnes avec un TSA et des TND. Ainsi que la difficulté à reconnaître les signes, à comprendre et à demander de l’aide.
Véronique Barathon se présente et parle de son parcours.
Elle parle de ses dépressions qu’elle a mis beaucoup de temps à comprendre, à avoir un diagnostic, à mettre un mot sur sont mal être. Elle a 34 ans, elle est pair-aidante depuis 5 ans au TS2A (unité qui propose un accompagnement en réhabilitation psychosociale pour les adultes avec un trouble du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle ) à Lyon.
Elle parle de premières phases dépressives très jeune quand elle était jeune ado mais aucun mot n'est donné à son mal être et elle-même ne comprend pas ce qui se passe, pourquoi elle était si mal. Elle s'est toujours sentie différente. Elle a été victime de harcèlement a l’école et a commencé a avoir des idées noires assez jeune. Elle finit par ne plus parler à personne, ne plus sortir, elle reste entre la maison de ses parents et le jardin. Elle ne comprenait toujours pas ce qui se passait. Elle était très fatiguée, elle s’endormait à l’école. Mais personne ne posait de diagnostic. C’était une jeune fille calme, qui n’avait pas beaucoup d’amies donc quand elle était un peu repliée, les personnes pouvaient s'interroger un peu mais c’était difficile de voir la différence avec son comportement habituel.
A 20 ans, elle fait une grosse dépression. Elle subissait encore du harcèlement lors de ses études et ses stages de part sa différence. Elle fait un burn-out lors de son mémoire. Elle était rejetée socialement et ne comprenait toujours pas ce qui se passait. Elle ne voulait plus rester en vie. Elle se scarifie, boit de l’alcool, prend des médicaments… Elle développe de grosses douleurs somatiques. Par exemple, elle a été hospitalisée en urgence tellement elle avait un mal de ventre terrible. Elle allait voir le médecin généraliste pour ces douleurs somatiques ou autres mais on comprenait pas ce qu’elle avait.
Vers 26-27 ans elle fait encore un gros burn-out et elle est à ce moment-là en situation de travail. Le travail reste instable. Elle a l’impression de tout le temps être décalée et de plus en plus. Il y avait de l'alcoolisation, la peur de l'abandon, des médicaments... Elle fréquentait des personnes qui lui faisaient du mal car elle avait une très faible estime d'elle-même. Elle se dit donc que cela ne sert à rien de continuer à se battre… N’ayant personne à qui adresser sa lettre d'adieu, elle adresse une lettre aux étoiles en se disant que “c’est plus facile que je m’en aille “.
Elle dit “Je ne comprenais pas les questions médicales. Je me sentais abandonnée sans soutien ou réponse.” Elle cite l’exemple de la fois où elle a appelé un numéro d'une association pour la prévention du suicide car elle ne pensait qu'à cela. Elle était en train de faire des courses au moment de l’appel et la personne au téléphone lui demande si elle veut se suicider en ce moment donc elle dit non car en ce moment elle est en train de faire des courses. Et on lui dira de prendre rendez- vous avec son psychiatre. Elle avait compris au sens littéral du terme “en ce moment” et non au sens plus large…
Cela ne se voyait pas forcément qu’elle pouvait aller mal. Elle pouvait avoir des jours ou des nuits au plus mal et le lendemain aller au travail et sourire puis le soir être au plus mal ect…
Enfin le mot dépression sans le diagnostic de TSA a pu être mis vers ses 27 ans. Elle explique que c’est grâce à un ami qui connaissait le sujet, qu’il lui a dit que son état n’était pas normal et qui l'a poussée à consulter.
Sandrine Sonié intervient en ajoutant au récit de Véronique.
Sandrine Sonié parle du fait que faire le diagnostic de la dépression chez une personne avec un TSA est compliqué. Et c’est aussi lors de plusieurs épisodes de dépression qu’on soupçonne le TSA.
La dépression peut amener aussi un contact avec un professionnel et donc une possibilité de creuser le diagnostic, notamment en faveur d’un TSA.
La dépression chez les personnes avec un TSA est plus fréquente mais il n’y a pas de chiffres officiels.
Les femmes avec un TSA sont plus à risque. Selon une étude suédoise, la dépression concernerait 31 % chez les femme et 18% chez les hommes avec un TSA. Les femmes sont aussi plus sujettes à des troubles du sommeil, etc. Lors de dépression les personnes n'arrivent plus à fonctionner.
La difficulté de diagnostic réside aussi sur le fait que les médecins questionnent la personne sur les émotions, le moral, l'humeur, etc. Mais les personnes avec un TSA ont du mal à exprimer cela donc ne savent vraiment quoi répondre. Elles peuvent aussi avoir des expressions faciales comme un sourire figé donc le médecin ne perçoit pas la bonne émotion.
Reprise de la parole de Véronique sur les conséquences de la dépression.
La dépression est un tabou, c'est difficile d'en parler avec d’autres personnes. Il y a une dégradation du niveau de vie. Le sommeil est impacté. Elle dit pouvoir dormir 15h d'affilée, s’endort dans la journée. Elle a une baisse d’immunité, elle est très souvent malade, se prend plein de virus. Il y a un impact sur l’ alimentation avec des moment où soit elle a très faim soit pas faim du tout. Ce qui était très compliqué, surtout avec une sélection alimentaire. Il y a une rigidité, il faut garder le contrôle tout le temps. Cela devient difficile de garder un travail, de conduire, de prendre les transports, etc. De ne rien pouvoir faire car on est extrêmement mal tout le temps. Cela amène aussi des difficultés de concentration. Même des tâches faciles, on n'y arrive pas. Durant son mémoire, il lui arrivait de confondre les mots. Donc tout cela amène une baisse de l'estime de soi. La difficulté de tenir son appartement rangé ce qui est déjà difficile en temps normal ….
Elle dit “ on n'a plus d'énergie pour rien; on peut buguer 2h pour choisir un T-shirt, se coucher n’importe quand, pleurer n'importe quand, être irritable …”
L’un des facteur aggravant fut lors de sa passation d’un diplôme : elle a voulu aller jusqu'au bout mais après elle a été en arrêt car elle n’en pouvait plus.
Intervention de Sandrine Sonié
Elle explique qu'en effet c’est un cercle vicieux. On a une mauvaise image de soi et la dépression vient confirmer “qu'on est nul qu’on ne peut rien faire.”
Quand on fait une dépression jeune, on a plus de "chance" d’en faire à l'âge adulte. Cela impacte sur la qualité de vie, sur le somatique et les idées suicidaires.
C’est aussi parfois difficile pour les familles et les parents de se retrouver de nouveau avec un enfant plus dépendant, de trouver des ressources, une motivation sociale et cela pousse à l’isolement.
Avoir l’impression de se sentir nul, ne pas trouver de valeur dans ses accomplissements ; et l'échec est mal vécu …
Sandrine Sonié “Qu’est ce qui ta aidé, comment tu en a pu en sortir ? “
Véronique Barathon dit qu’elle va mieux, que ce n'est pas tout le temps facile. C’est un long parcours. Le diagnostic de TSA a aussi tout changé. Il a aidé et éclairé ses dépression qu’elle trouvaient plus spécifiques que chez d’autres personnes. Elle a eu pendant plusieurs années un traitement, elle dit avoir le “ cerveau abîmé” et qu’il faut le soigner. Elle fera 5 ans de thérapie, bien accompagnée par une bonne personne. Elle a appris a se connaître, appris à dire non, à mettre des limites, à refuser des changements, à limiter la fatigue et l’anxiété.
Elle dit avoir besoin de pouvoir aller dans la nature à l'extérieur de la ville. Être dehors en contact avec des animaux, elle part souvent en road-trip. Il faut aussi s’entourer des bonnes personnes. Son compagnon, ses amies et collègues la soutiennent et la connaissent bien ; ils savent donc aussi lui dire quand ralentir ou autre.
Le sport l'aide beaucoup, cela contribue à calmer son hyperactivité physique. Sinon, simplement se mettre en mouvement ; on peut bouger sans forcément aller dans une salle de sport.
Elle explique qu'il faut essayer de repérer les éléments qui peuvent amener un mal être, trouver les clés pour éviter de retomber dans une phase dépressive et arriver à une stabilité.
C'est un travail très difficile mais bénéfique. Il faut se respecter dans ce que nous sommes comme personne et dans nos besoins. Par exemple ne pas nous en demander trop, nous imposer trop de changements dans le cadre de notre travail car tout cela peut vite faire basculer la personne. Il est important d'avoir un milieu sain et adapté qui seront des facteurs de bien être. Voilà ce qui a été pour elle sa façon de rebondir et de rester stable.
Sandrine Sonié
Elle parle de la possibilité de prescription de sport physique adapté qui peut être prescrit et remboursé. Elle dit qu'il ne faut pas hésiter à demander de l'aide. Il est important de respecter son rythme de vie, son sommeil, ses temps sociaux, ses activités, etc. pour éviter la rechute vers une dépression.
Le harcèlement est un fort facteur de risque de dépression, il est donc important de prévenir du harcèlement.
Elle partage l’idée que les personnes pourraient allier par exemple un travail à mi -temps et du temps pour les activités qu’elles aiment faire. Afin de retrouver l’élan vital par ce que l'on aime.
Pour les personnes avec un TSA, le traitement dure plus longtemps, souvent plus de 6 mois et parfois plus. Ce n'est pas forcément des médicaments qui sont nécessaires ; cela va au-delà. Il y a l'importance de la thérapie. Mais la prise en charge est souvent longue dans le temps.