Les membres du GEM ont la parole : aujourd'hui, Elodie nous parle de création (ou de "créactivité").

Bonjour à tous !
Comme souvent, je suis indécise dans ce qu'il me semble juste ou judicieux de partager. Faire des choix n'est pas ce qu'il y a de plus facile pour moi.
Parfois, cela peut me prendre beaucoup de temps ; d'autres fois cela peut se faire très rapidement, si une forme d'évidence s'impose à moi.
J'hésite aujourd'hui, parmi de nombreux autres sujets, à vous parler de peinture ou d'écriture. L'on pourrait croire que ces deux activités que sont la peinture et l'écriture sont très différentes mais l'acte même de créer les fait se relier presque malgré elles.
Devant une page blanche, comme devant une toile blanche, je n'ai jamais aucune idée de ce qui va émerger. Je ne sais pas à l'avance de quoi vont parler mes écrits ni même de quoi sera constitué le final de mes toiles.
Je commence toujours mes créations, je dirais, de façon "académique", ou plutôt "scolaire". C'est-à-dire que je me poste face à mon bureau ou mon chevalet, après avoir pris soin de ranger ce qu'il y a autour pour ne pas être trop distraite. Puis je prépare les "bons outils", le matériel "approprié" dont je pourrais avoir besoin pour créer.
Il peut s'agir de mon stylo bille préféré (qui a d'ailleurs mystérieusement disparu depuis plusieurs semaines!), de mon clavier d'ordinateur (toujours fidèle au poste et bien relié à l'unité centrale par son câble USB, ce qui l'empêchera, lui, de se cacher ou de se perdre je ne sais où), de feuilles vierges, blanches ou colorées, de feuilles lignées ou quadrillées, d'un des nombreux carnets que j'utilise pour écrire.
Pour la peinture, je prends soin de préparer et d'exposer toutes les couleurs que j'ai à ma disposition (en général il y a surtout beaucoup de bleus et de jaunes, du blanc aussi), de "recoiffer" un peu mes pinceaux, de leur "faire couler un petit bain" d'une eau à parfaite température pour les rincer sans les agresser, de rendre accessibles les spalters, les peignes, couteaux ou autres outils habituellement utilisés pour peindre. Je dispose également tout à côté de moi plusieurs toiles de formats différents.
Puis je me sers une petite boisson chaude et m’assois "sagement", un peu comme on nous l'a appris à l'école ; comme si j'attendais que l'on me donne une consigne. Seulement, j'ai quitté l'école et les études il y a bien longtemps déjà alors, livrée à moi-même, je me contente d'attendre. J'attends donc patiemment. ... tout simplement... rien de particulier... pas de consignes à suivre... rien d'imposé... j'attends simplement que quelque chose se passe... se présente à moi... ou traverse simplement mon esprit... j'attends l'inspiration... cela peut durer longtemps... très longtemps... des minutes... des heures... parfois même je suis forcée de m'y remettre le lendemain. Il m'arrive quelquefois de réussir à saisir au passage quelque chose, une idée, une forme, un mot, une couleur, une impression, une envie, un élan, un thème, une émotion. Parfois aussi, las d'attendre ce qui ne semble pas venir (cela me rappelle toujours la pièce "En attendant Godot" de Samuel Beckett !) j'attends si longtemps que je finis par me lancer "à l'aveugle" dans la création, malgré moi, sans plus me poser de questions et je commence à faire quelque chose.
Je suis tellement habituée à ce que mes œuvres "achevées" ne ressemblent pas à ce que j'aurais pu imaginer, que j'ai appris à lâcher prise sur le déroulement de leur réalisation.
Le rapport que j'ai à l'art et aux œuvres que je crée est très particulier en ce sens que j'en suis extrêmement détachée. Je me sens toujours extrêmement novice face à ce que je fais, comme si je découvrais ce qui venait d'être créé. Et c'est clairement le cas puisque je n'ai aucune idée de ce que sera le résultat de chacune de ces créations avant qu'elles ne soient achevées.
Il y a des messages que je pourrais vouloir faire passer dans mes toiles par exemple, ou dans mes écrits, mais comme je sais qu'il y a peu de chances pour que le message passe "clairement", comme je le voudrais, alors je m'abstiens de toute tentative d'explication ou d'explicitation. Je préfère que le spectateur ou le lecteur reçoive et perçoive ce qu'il est prêt à recevoir, voir ou perce-voir s'il fait l'effort de chercher à voir "plus loin que le bout de son nez".
Ce qui m'importe dans la création, c'est l'expérience et le temps que je passe à créer. J'aime voir comment les mots glissent sous mes doigts, comment les phrases se construisent, comment les paragraphes se forment, comment se tisse le fil conducteur de ce qui est dit/écrit, presque à mon insu.
Je découvre au fur et à mesure ce qui se crée, pour ainsi dire, sous mes yeux, un peu de la même manière que vous le découvrez vous en le lisant.
Il en va de même pour la peinture, lorsque je vois devant moi, petit à petit, la toile prendre forme, lorsque les couleurs se posent et se mélangent, lorsque des formes se dessinent, se font écho et se combinent, lorsque les outils utilisés deviennent de plus en plus inattendus... en passant par des outils de cuisine, de jardinage ou de bricolage, des accessoires d'habillement aussi ou des objets du quotidien dont l'utilisation "usuelle" et "ordinaire" va s'en trouver très vite détournée, bien souvent à leur avantage car les rendant plus riches et plus complets d'une utilisation à laquelle certainement peu de gens ont pensé. Le plus souvent, l'utilisation détournée ou contournée de ces outils particuliers finit elle aussi par les faire disparaître ; et je me retrouve alors régulièrement à finir de peindre "à mains nues".
C'est peut-être pour cela que je me sens toujours aussi "nue" face à une toile ou face à un texte achevés. "Nue" parce qu'une fois la création terminée, je ne sais plus quel sens donner à ce qui a été fait et qui est terminé. Ce qui me plaît, ce en quoi je me reconnais, c'est dans le fait de créer, d'être actrice et contemplatrice de ce qui se crée de mes mains et sous mes yeux.
L’œuvre achevée, mon expérience terminée, elle ne m'appartient plus.
Elle n'est plus mienne.
Elle existe par le regard et l'attention que les autres vont lui porter.
Cela ne dépend pas de moi.
Cela ne m’appartient pas.
C'est une nouvelle histoire qui se joue entre la personne qui lit ou qui contemple (celle qui reçoit) et l’œuvre qui est là.
Moi je n'ai absolument plus rien à voir avec tout cela ; à tel point que je me sens autant spectatrice et contemplatrice que vous tous, face à une toile ou un écrit, une idée que j'ai pu exposer ou faire partager.
J'ai régulièrement cette sensation de me sentir "nue comme un ver", presque démunie, après avoir terminé une toile car je ressens qu'il y aurait désormais tout à faire (en terme d'expérience, de chemin ou d'interprétation par exemple), ou tout à refaire si je cherchais à vouloir mettre un sens ou une direction au contenu qui la compose.
Je suis d'ailleurs extrêmement amusée par les personnes qui expriment leurs avis, leurs théories, leurs idées ou leurs vérités, parfois même les vérités cachées d'une toile ou, mieux encore, les "secrets" d'un artiste au moment de peindre cette toile.
L'on me demande souvent ce que j'ai voulu représenter sur mes toiles.
Je suis chaque fois surprise et interrogative de cet intérêt soudain "pour moi" ou pour "ma pensée".
A vrai dire, j'ai rarement de quoi alimenter ce genre de curiosité.
Ce que j'ai voulu représenter ?
Alors là je ne pourrais pas vraiment vous aider !
Je ne savais pas qu'il fallait que je représente quelque chose de particulier ?!
Je ne savais pas qu'il y avait une consigne !
N'ai-je pas été suffisamment attentive ?
J'ai pourtant attendu longuement et rien n'est venu, ni consigne, ni directive, ni rien !
Cela me replonge instantanément sur les bancs de l'école !
Je suis encore à côté de la plaque !
Je suis encore "tombée dans le panneau" !
Je n'ai voulu en faire qu'à ma tête !
Est-ce moi qui, une fois de plus, n'ai rien compris ?
Ce ne serait pas la première fois !
Cela m'arrive tout le temps !
Depuis toujours !
"Créer" pourrait vouloir dire autre chose que "créer" ?
"Créer" pourrait vouloir dire "Représenter" quelque chose ?
Mais moi, je ne cherche pas à représenter quelque chose qui existe déjà ; cela ne fait pas sens pour moi. Je m'efforce justement, la plupart du temps, de ne rien représenter pour ne pas tromper mon regard ni celui d'autrui car j'ai conscience que chacun voit les choses et le monde à sa façon.
Nous vivons tous dans un même Monde que nous nous représentons toutes et tous, chacune et chacun, différemment, selon ce que nous sommes, selon ce que nous avons vécu ou vivons, et selon aussi ce que nous choisissons d'y voir ou d'y vivre.
A quoi une œuvre Vous fait penser ?
Ce qu'elle éveille ou réveille en Vous ?
Quelle expérience Vous en faites aujourd'hui ? à l'instant "t" ?
Quelle expérience Vous en ferez demain ou dans dix ans ?
N'est-ce pas cela qui est important ?!
Faire l'expérience d'une œuvre nouvelle est quelque chose de si intime et personnel.
L'expérience du moment de création, ce n'est pas quelque chose que je suis en mesure de partager car cela ne vient pas de moi. Moi je ne contrôle rien de tout ce qui se fait "par mes mains", par "mon esprit" ou par "mon regard".
Je peux relater l'évolution d'une de "mes" œuvres picturales ou littéraires, son processus de création, exposer les différentes étapes et états par lesquels chacune d'entre elles est passée. Je peux rendre compte de leur(s) parcours, éventuellement de mes états d'âme, d'esprit ou d'émotion à chacune de ces étapes. Mais chercher à en dire davantage serait mentir car moi au fond, je n'ai cherché rien d'autre qu'à vivre un unique moment de création.
Je m'excuse pour la longueur de ce partage .
Je ne sais pas être autrement.
Je pourrais m'efforcer de faire différemment, pour me standardiser, mais ma spécificité n'aurait plus "son charme" et cela manquerait, il me semble, d'authenticité.
J'avais pensé initialement vous montrer une toile et deux "dessins" qui ont été créés par mes mains pour vous raconter leur chemin de création et finalement je constate une fois encore que j'ai été prise et surprise par un élan de partage tout autre.
Quand je vous disais tout à l'heure que pour moi, chez moi, la peinture et l'écriture sont étroitement liées, je ne vous ai pas menti.
Elles sont, pour certains, des moyens d'expression, de revendication, des témoignages, des façons de faire passer des messages. Pour moi, elles ne sont que des temps de création vécus et expérimentés que j'aime à offrir en partage à qui aime voyager.
J'espère ne pas vous avoir perdus en chemin, au détour des mes phrases alambiquées ou de mes idées quelque peu saugrenues.
Tout cela fait partie de moi, de ce que je porte et de ce que je suis.
Je prends plaisir à éclairer un peu le chemin qui conduit vers "mon monde", pour permettre à qui veut le découvrir et en a la curiosité, de pouvoir y séjourner, s'y promener ou s'y reposer.
Je vous souhaite à toutes et tous un très beau chemin de vie et de création dans votre monde comme dans notre monde.
Elodie
Nous remercions Elodie pour son article "inattendu".
Nous rappelons que tous les membres du GEM sont invités à venir partager quelque chose sur le blog.
Les partages de tous les supports sont les bienvenus du moment qu'ils sont faits dans le respect et la bienveillance.
Les textes ou autres partages sont à envoyer sur l'adresse mail du GEM (gem.tsa.85@gmail.com) ou à transmettre sur Discord à Elodie P.

Prochains rendez-vous de la semaine :
vendredi 4 novembre : rencontre à la Roche sur Yon
Pensez à prendre les renseignements complémentaires ( adresses, numéro de salle, heures de rendez-vous) pour nos rencontres en cliquant sur la date qui vous intéresse sur l'agenda de notre GEM.
A bientôt !
